Lifestyle Design : construisez la vie dont vous rêvez
Une autre façon de regarder sa vie
Les modèles classiques
J’aime le terme de Lifestyle Design (que l’on pourrait traduire par « conception du style de vie ») car il représente assez bien en quoi consiste la discipline. Mais surtout il permet de nommer, et donc de reconnaitre l’existence, d’un aspect que notre vie que l’on ne cherche pas forcément à étudier et à influencer consciemment. Pour beaucoup, « concevoir sa vie » se résume à un ensemble de règles que l’on s’impose, à choisir parmi les options qui semblent accessibles à un moment donné, ou plus simplement à ne pas y penser et à suivre le mouvement : adopter une perspective sur sa vie fondée sur la clarification de ce à quoi on veut qu’elle ressemble puis d’un suivi constant n’est pas forcément une évidence.
Pourtant ce n’est pas quelque chose de nouveau, et j’ai en tête au moins deux exemples de questions et de réflexions que tout un chacun a eues et qui touchent au Lifestyle Design :
Le point commun de ces deux modèles est leur tentative de pousser à consciemment définir à quoi notre vie devrait ressembler. Ils divergent simplement dans leur degré de restrictions : demander à un enfant ce qu’il veut faire plus tard ou à un adulte ce qu’il fait dans la vie limite cette « vie » à une carrière (puisque cette question n’appelle pas de réponse liée à notre famille, notre temps libre, nos amis, etc. Même se ces éléments font bien entendu aussi partie de notre vie). Et qui plus est à une carrière très spécifique type médical, légal, certains services publics comme les pompiers ou la police, etc. Donc quiconque cherche un métier qui n’est pas dans cette liste et une vie qui ne se limite pas à sa carrière va avoir beaucoup de mal à concevoir sa vie en se posant ces questions : le cadre de réflexion n’est pas adapté.
En revanche, parler d’équilibre entre vie privée et professionnelle va inclure toute la partie hors carrière en plus de couvrir n’importe quel type de carrière. Et c’est une distinction importante puisqu’aujourd’hui une bonne majorité des métiers consistent surtout en un titre attribué à quelqu’un en charge des taches X, plutôt qu’à un métier clairement défini, au cursus éducationnel dédié (c’est d’ailleurs pour ça qu’il est si difficile pour beaucoup d’entre nous d’expliquer en quoi consiste notre travail !). Par contre cela maintient une division entre une vie dite « privée » et une dite « professionnelle », qui elle-même se résume souvent à une activité rémunérée unique. Et si ce n’est pas la vie que l’on souhaite mettre en place, le problème demeure : le cadre de réflexion n’est pas adapté.
Pendant plusieurs années après mes études j’ai moi-même utilisé ces modèles comme cadres de réflexions pour déterminer à quoi je voulais que ma vie ressemble. Je vous invite à visionner le TEDx Talk pour en savoir plus à ce propos mais le plus important est qu’il s’agissait en fait pour moi des mauvaises questions. Et il est clair que poser les mauvaises questions ne risque pas de mener aux bonnes réponses…
Avec le recul j’ai trouvé une image pour illustrer mon propos : imaginez devant vous un mur bloquant l’accès aux réponses que vous cherchez. Il n’y a aucune ouverture, aucun moyen de progresser, et tant que vous avancez tout droit vous vous heurtez à ce mur. Cependant si vous vous éloignez légèrement et vous décalez d’un côté ou de l’autre, vous découvrez qu’il s’agit en fait d’une cloison légèrement avancée par rapport au reste, et il vous est alors facile de vous glisser derrière. Mais si jamais vous revenez à votre perspective précédente, le blocage est toujours là.
C’est le problème auquel je faisais face en posant les mauvaises questions : peu importe à quel point je m’obstinais, ce que je cherchais n’étais accessible qu’en changeant ma manière de regarder le problème.
Point-clé
Un autre exemple très concret auquel j’ai été confronté est la recherche d’emploi et l’équation insoluble des départements RH qui demandent de l’expérience sans être prêts à la fournir. On peut s’obstiner et envoyer des dizaines de CV (et qui sait, peut-être qu’à force de bourriner on finira par détruire ce satané mur ! Mais combien de temps cela va-t-il prendre ? Et quel sera le prix à payer ?), ou on peut interrompre le processus et commencer à la place à se créer un réseau parmi les gens du domaine qui nous intéresse, notamment au sein des petites entreprises où il est facile d’accéder aux décideurs, et finir par débloquer la position que l’on cherche.
Mon modèle
Le plus important pour moi est la variété de mes occupations : le besoin d’avoir plusieurs projets simultanés et dans des domaines divers, sans chercher à définir ce qui est professionnel ou privé. Et c’est cet élément qui est à l’origine du modèle alternatif que je propose (même s’il s’applique à tous les styles de vie, comme nous allons le voir).
Pour construire la vie dont vous rêvez, je vous propose donc d’oublier les deux modèles traditionnels présentés précédemment (ou quoi que ce soit d’autre qui vous sert de structure), et de vous attarder sur les trois notions suivantes :
Le lien entre ces trois composantes est assez évident : toute activité a un coût en temps et nous rapproche plus ou moins de nos objectifs. Et les lecteurs les plus perspicaces (ou ceux qui ont regardé le TEDx !) voient sans doute déjà où je veux en venir : pour construire la vie dont vous rêvez, vous devez vous assurer que le temps que vous passez sur chaque activité est proportionnel à leur impact sur vos objectifs. Ainsi plus une activité nécessite de temps et plus elle doit couvrir d’objectifs. Ou formulé autrement : plus une activité va couvrir d’objectifs et plus vous pourrez investir de temps dedans (et à contrario il va falloir sérieusement réfléchir à réduire ou supprimer celles qui sont peu ou pas liées à ce que vous visez).
Lors du TEDx j’ai cité des exemples d’application de ce modèle tirés de ma vie et je vous invite à les découvrir. Toutefois mes objectifs ayant évolués, et à l’heure d’écrire ces lignes, certains ne sont plus d’actualité. Donc je me permets d’en citer d’autres ici, illustrant au passage la flexibilité de ce modèle qui offre une structure dont le contenu peut être modifié à volonté (j’y reviens plus bas) :
Il s’agit finalement pour chacun de créer un puzzle d’activités qui fonctionnent entre elles et couvrent nos objectifs, puis de garder un œil dessus pour toujours être en phase avec les priorités du moment.
Vous remarquerez au passage qu’il m’est aisé de décrire ma vie en termes d’activités qui prennent plus ou moins de temps et couvrent les objectifs X, mais qu’il m’est beaucoup plus difficile de répondre à la question « Qu’est-ce que tu fais dans la vie ? » ou de diviser entre vie professionnelle et vie privée… Et c’est exactement ce dont je parlais plus haut avec l’image du mur qu’il faut contourner.
Conséquences
Ceux qui se prêtent au jeu et décident de commencer à regarder leur vie à travers le prisme des trois notions présentées précédemment vont rapidement remarquer des changements dans les questions qu’ils se posent, dans ce qu’ils cherchent, dans la manière d’évaluer ce qu’ils font ou les opportunités qui se présentent, etc.
À nouveau, c’est la manifestation du changement de perspective mentionné plus haut. Et si les conséquences exactes vont dépendre de chaque individu (en fonction de leurs objectifs, situation actuelle et ainsi de suite), j’en ai identifié trois théoriquement communes à tous puisque inhérentes au modèle présenté.
A. Prise de conscience de la valeur de votre temps
Quand vous commencez à lier le temps investi dans une activité à la valeur de celle-ci, vous commencez aussi naturellement à remarquer tout ce qui vous fait perdre du temps ou qui en utilise trop. Vous prenez tout simplement conscience que le temps est limité, qu’une fois passé il ne revient jamais et qu’il s’agit de votre ressource la plus importante, car avec lui vous pouvez tout faire.
Veillez toutefois à ne pas en faire une psychose du style « je n’ai rien de prévu d’intéressant dans l’heure qui vient, elle va être perdue ! », mais utilisez cette réalisation pour investir votre temps dans ce qui importe vraiment. Et cela inclut les loisirs et la détente (il n’y a rien de mal à consciemment choisir de ne rien faire une demi-journée) !
Je vous invite à visionner le TEDx pour un exemple très parlant sur les jeux-vidéo. En attendant en voici un autre : j’ai toujours une liste de trucs « à faire », avec toutes les tâches administratives et ce qui doit être fait devant mon ordinateur, seul (mise à jour de mon site, comptabilité, démarchage et suivi, mise à jour de mes démos voix off, articles de blog à écrire, etc.). Avant mon arrivée au Japon cette liste ne semblait jamais diminuer et j’étais donc très souvent chez moi. Et je savais qu’à Kyoto, cela se traduirait par beaucoup de temps passé à mon co-working space : un vrai problème puisqu’il y avait beaucoup d’autres choses que je voulais faire (à commencer par rencontrer de nouvelles personnes) !
Après une analyse rapide du contenu de ma liste et de comment je la complétais, j’ai réalisé que j’y ajoutais tout ce qui me semblait utile. Et vu le nombre d’idées qui me traversent en permanence la tête, il y avait toujours quelque chose à faire, qui parfois prenait énormément de temps… pour des gains négligeables.
J’ai donc décidé qu’une idée « utile » n’était plus un critère suffisant : à la place, je dois évaluer si l’utilité est proportionnelle au temps nécessaire à la réalisation. Ainsi j’ai divisé ma liste entre ce qui doit en effet être terminé, et une liste « facultative » qui inclut des choses utiles mais à la durée trop élevée pour ce qu’elles apportent. L’idée étant que je peux investir ce temps dans autre chose qui a plus de valeur, et qui peut être complètement différent : par exemple j’ai mis de côté les formations LinkedIn qui sont certes intéressantes et utiles mais demandent beaucoup trop de temps par rapport à ce qu’elles m’apportent. Et à la place je peux visiter la ville, rejoindre des groupes Meetup pour rencontrer des gens, améliorer mon japonais, etc.
D’ailleurs pour ceux qui ont un problème similaire, c’est probablement dû à la peur de ne rien avoir à faire. Mais il faut savoir faire face à un blanc dans son emploi du temps pour se donner le temps de respirer, car c’est à ce moment que les nouvelles idées et l’inspiration arrivent. Si l’on a constamment la tête dans les choses à faire, on ne voit pas de solutions nouvelles, on passe à côté d’opportunités à saisir, etc.
B. Perception des activités comme des bundles
Quand vous commencez à évaluer l’intérêt d’une activité en fonction des objectifs qu’elle couvre dans votre liste, vous commencez aussi naturellement à « éclater » tout ce que vous faites, toutes les opportunités qu’on vous propose et ce que vous cherchez à lancer pro-activement en morceaux, et donc à percevoir chaque activité comme un ensemble de morceaux nécessitant X heures, plutôt que comme un tout incompressible à juger dans sa globalité. Vos décisions sont donc meilleures car vous savez exactement sur quels éléments elles reposent et donc ce sur quoi garder un œil en cas de changements. Et s’il faut ajuster, vous pouvez plus facilement identifier sur quoi agir (plutôt que de tout jeter ou de tout garder).
À nouveau, le TEDx inclut un exemple intéressant sur la manière de regarder les offres d’emploi et le fait de monter son entreprise. Mais plus récemment j’ai commencé à travailler avec un nouveau client sur un très gros projet de re-travail de la version française de leur série d’animation. Pendant les négociations, au fur et à mesure que j’en apprenais plus sur ce qui devait être fait et sur le budget, je me suis demandé plusieurs fois si cela valait vraiment le coup, sans vraiment avoir de réponse, jusqu’à ce que je prenne le temps d’éclater cette activité naissante en morceaux et de les comparer à mes objectifs.
Ainsi j’ai pu identifier le fait qu’elle me permettait toujours de générer un revenu très flexible mais qu’en plus je pouvais accroitre mon réseau et ma réputation (une combinaison que je croyais impossible jusque-là). Ensuite la nature du réseau créé (dans l’animation) avait énormément de valeur pour moi, le projet en lui-même était intéressant, le temps à investir dessus s’annonçait plus élevé qu’habituellement pour un revenu proportionnellement plus faible mais tous les autres éléments rendaient la décision tout à coup évidente : je devais me lancer (ce que j’ai fait). Et je sais sur quels éléments ma décision repose et donc sur quoi garder un œil pour régulièrement confirmer si je continue ou non.
C. Mise en place d’une structure flexible et résiliente, indépendante de ce qui nous arrive
Parce que ce modèle est comme un moule qu’il appartient à chacun de remplir avec ses objectifs puis d’utiliser pour créer son propre puzzle d’activités (c’est-à-dire qu’il ne dicte pas de contenu spécifique), il peut s’adapter aux changements de la vie et permettre la mise en place d’une infinie variété de styles de vie, y compris au court du temps pour un même individu. Et parce qu’il repose sur des éléments qui seront toujours présents (le temps, la notion d’activités et nos objectifs : ceux-ci peuvent certes être confus ou même complètement disparaitre en cas de crise, mais ils reviendront toujours, similaires à ce qu’ils étaient ou complètement nouveaux), il peut servir de base dans les moments où il faut se reconstruire : quels sont mes objectifs et priorités ? Quelles sont mes activités ? Est-ce que la répartition de mon temps est toujours adaptée ? Si non, quoi ajuster ?
Là aussi, je cite un exemple très concret dans le TEDx (surtout axé sur la reconstruction en cas de crise), mais le seul fait que les exemples de cet article soient différents de ceux de ma présentation illustre mon propos : le modèle que j’ai employé depuis 2018 en Suède, en couple, avec une vie stable dans un pays que je connaissais, est exactement le même que celui que j’emploie en 2020 de l’autre côté de la planète, dans un pays que je connais à peine, célibataire et où j’ai presque tout repris à 0. Et c’était encore le même modèle que j’ai utilisé en 2019 pendant la période de transition, les différences touchant à chaque fois à mes objectifs et au puzzle d’activités choisies pour les atteindre et non à la structure sous-jacente.